Malaise lors d’un entretien préalable au licenciement. Accident du travail. Maître François-Xavier BERNARD, avocat.
- 2 juin 2024
- Par zenon
- Dans Droit du travail et Conseil des prud'hommes
François-Xavier BERNARD, avocat, droit du travail.
Cass. soc., 14 février 2024, n°22-18.798
En arrêt de travail depuis le 20 juin 2016, uen salariée est convoquée à un entretien préalable à un licenciement fixé au 27 juillet 2016.
Avant de licencier, l’employeur la convoque devant une instance disciplinaire ( la commission consultative paritaire de l’entreprise qui doit émettre un avis quant au bien-fondé du licenciement : on sait que la procédure disciplinaire légale se cumule avec la procédure conventionnelle) qui se réunit le 21 septembre 2016.
Alors qu’elle se rend à cette convocation devant la commission, la salariée est victime d’un malais qui lui vaudra d’être placée en accident du travail.
L’employeur n’en licencie pas moins la salariée.
La salariée soutient que le malaise dont elle a été victime lorsqu’elle s’est rendue à la réunion de la commission consultative paritaire est un accident du travail.
Soutenant avoir été licenciée alors que son contrat de travail était suspendu au titre d’un accident de travail, la salariée a saisi la juridiction prud’homale le 31 janvier 2017 aux fins de faire juger nul son licenciement.
Son employeur conteste la qualification d’arrêt de travail, estimant d’une part que le contrat de travail de l’intéressée était à l’époque suspendu en raison d’un arrêt de travail et que d’autre part l’accident n’a pas pour cause le travail de l’intéressée.
La salariée est déboutée par les juges du fond, qui retiennent les arguments de l’employeur : le contrat de travail étant suspendu à la date du malaise, celui-ci n’a pas pour cause le travail et ne devait pas être pris en charge au titre de la législation relative aux accidents de travail.
La Cour de cassation censure l’arrêt dans un attendu ciselé :
La salariée comparaissait devant une instance appelée à se prononcer sur une sanction disciplinaire lorsqu’elle a eu un malaise, ce dont il résultait que, nonobstant la suspension de son contrat de travail, elle se trouvait sous la dépendance et l’autorité de son employeur, lequel devait déclarer cet accident à la caisse primaire d’assurance maladie dont relevait la salariée, quelle que soit son opinion sur les causes de l’accident.
Le licenciement est donc frappé de nullité.
En effet, on rappellera que :
- Le salarié reste protégé contre le licenciement alors que son accident de travail survient après qu’il a reçu une convocation pour un entretien préalable à licenciement
- Si le salarié a déjà reçu sa lettre de licenciement lorsqu’il est victime d’un accident de travail, le licenciement n’est pas nul. Les effets du licenciement sont seulement reportés à l’issue de la période de suspension de son contrat provoquée par l’effet de son arrêt (A.P. 28 janvier 2005, n° 03-441.337
Evidemment, cette solution est transposable aux entretiens préalables au licenciement, qui peuvent bien sûr être très stressants pour le salarié (et pour l’employeur dans les T.P.E. et P.M.E. à raison de la proximité entretenue avec les quelques salariés de l’entreprise) et provoquer chez lui un malaise.
On s’étonne d’ailleurs que le contentieux en la matière ne soit pas plus abondant.
Face à cette hypothèse, nous conseillerions à l’employeur de :
- Déclarer l’accident de travail immédiatement (avec des réserves si on estime que le malaise est simulé ou qu’il est dû à une cause étrangère au travail)
N’oubliez jamais que l’employeur, qui manque à son obligation de déclaration d’un accident du travail, peut être condamné à rembourser à l’organisme de sécurité sociale la totalité des dépenses faites à l’occasion de l’accident, Soc 3 juin 2021, n°20-13.213).
- Surseoir au licenciement, le temps que la C.P.A.M. prenne sa décision, soit dans les 30 jours suivant la réception de la déclaration d’accident.
Evidemment, les choses se compliquent si le salarié conteste devant le Pôle social un refus de reconnaissance d’accident du travail, car les délais peuvent dépasser un an et l’employeur ne peut attendre autant pour licencier.
Nous conseillerions au salarié :
- Si l’employeur refuse de déclarer l’accident du travail, faites-le vous-même et tirez en toutes conséquences quant à la contestation de votre licenciement.
François-Xavier BERNARD