Etendue du droit de préemption du preneur à bail rural en cas de mise en vente de plusieurs fonds : la notion d’indivisibilité. Par Maître François-Xavier BERNARD, avocat en droit rural au barreau de DIJON.

Etendue du droit de préemption du preneur à bail rural en cas de mise en vente de plusieurs fonds : la notion d’indivisibilité. Par Maître François-Xavier BERNARD, avocat en droit rural au barreau de DIJON.

Le statut du fermage offre au preneur en place la faculté d’acheter en priorité le fond loué qu’il exploite dans le cas où le bailleur se décide à le vendre.

Le preneur dispose d’un délai de deux mois à compter de la réception de la notification de l’offre de vente du bailleur pour notifier sa décision de préempter.

Mais qu’en est-il si le fond loué ne représente qu’une partie des terres mises en vente par le bailleur? Le preneur est-il tenu d’acquérir le tout, c’est à dire d’acheter aussi des terres ou des ensembles immobiliers étrangers à son bail?

Non, bien sûr : le fermier peut se prévaloir de l’article L 412-6 du code rural qui dispose que si le bailleur veut aliéner, en une seule fois, un fonds comprenant plusieurs exploitations distinctes, il doit mettre en vente séparément chacune de celles-ci, de façon à permettre à chacun des bénéficiaires du droit de préemption d’exercer son droit sur la partie qu’il exploite.

Ainsi, le fermier qui souhaite préempter peut demander au propriétaire (en pratique au notaire qui lui notifie l’intention d’aliéner du propriétaire si celui-ci a élu domicile chez son tabellion) de diviser la vente afin de limiter son acquisition au seul fonds loué à bail rural.

Mais le propriétaire peut refuser de diviser son opération de vente en arguant de l’indivisibilité des terres proposées à la vente : il revient alors au fermier de saisir le tribunal paritaire des baux ruraux pour trancher cette question délicate en application de l’article L 412-7 du code rural.

Le juge du fond tranche souverainement mais la jurisprudence est peu abondante.

En substance, la notion d’indivisibilité, qui doit être entendue strictement, suppose que les biens vendus ne soient pas matériellement divisibles en raison de la situation des lieux ou qu’ils constituent une unité économique indissociable.

Cette appréciation d’une notion assez vague, ne peut être portée par l’expert qui est nommé pour déterminer la valeur du fonds : elle doit être tranchée par le juge dont c’est l’apanage. (Civ. 3 ème 11 octobre 2018, n° 17-23.634)

  1. La divisibilité matérielle

L’indivisibilité matérielle

L’étude du cadastre pourra démonter que les parcelles étrangères au bail ne sont pas enclavées par les parcelles ressortissant au bail, et qu’elles sont desservies au contraire par une voie d’accès, ce qui militera en faveur de la divisibilité.

De même, il faudra se demander si les terres comprises dans le bail et les autres sont attenantes ou disjointes, voire très éloignées, ce qui conduira à écarter tout continuum.

  • L’absence d’unité économique

Une ferme mise en vente avec une maison de maître forment un ensemble économique tel que la maison serait dépréciée si elle n’était pas incluse dans la vente (Soc. 5 octobre 1961, JCP G 1962, II, 12426)

Evidemment, si le fonds est constitué de plusieurs parcelles dont chacune est louée à un fermier différent, le bailleur ne peut soutenir que sa propriété est indivisible. (Civ 3ème, 18 juillet 1979, JCP N 1980, prat. 7390 page 14)

Si le tribunal reconnaît que le fonds est indivisible, le fermier pourra toutefois préempter sur la totalité, s’il est intéressé et s’il en a les moyens : c’est une extension du droit de préemption.

Si le fonds est divisible et que le propriétaire a refusé de scinder sa vente, le fermier pourra en demander en justice l’annulation.